Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
SANS CONCESSION

La réforme du lycée. Et ma réforme alors ?

La réforme du lycée. Et ma réforme alors ?

Pour faire passer une mesure, une technique rhétorique qui fonctionne bien est l'appel à la légitimité incontestable.  En matière de politique, ce droit inaliénable est l'acte réformateur. Qui s'y oppose est immédiatement placé au ban des anti-progressistes, du côté des ennemis de la construction, de ceux qui refusent d'avancer (sans se poser la question : pour aller où ?).

La teneur de la réforme importe peu !

C'est ainsi que la réforme du lycée général programmée pour la rentrée de septembre 2019 est promue par le ministre de l'éducation nationale et ses acolytes (les lycées technologique et professionnel feront aussi l'objet d'une réforme, non évoquée dans la première partie de cet article). Annoncée comme apportant plus de liberté et de justice aux lycéens et futurs lycéens, elle emporte l'adhésion de la grande majorité des concitoyens.

Peu en connaissent son contenu !

La liberté évoquée est le choix offert aux élèves d'opter pour, obligatoirement, trois matières de spécialité parmi douze en classe de première, deux en classe de terminale. Ces douze matières sont : histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ; humanités, littérature et philosophie ; langues, littératures et cultures étrangères ; mathématiques ; physique-chimie ; sciences de la vie et de la terre ; sciences économiques et sociales ; arts ; littérature, langues et culture de l'Antiquité ; numérique et sciences informatiques ; sciences de l'ingénieur ; biologie-écologie (les matières sont séparées par des points virgules). L'horaire hebdomadaire est, pour chacune, de 4 heures en première, 6 heures en terminale.

Parallèlement à ces enseignements de spécialité, les lycéens suivront un enseignement commun composé de six matières, listées ici avec leurs horaires en première puis en terminale :

- Français en première, philosophie en terminale (4h; 4h))

- Histoire-géographie et enseignement moral et civique (3h30; 3h)

- Langue vivante 1 (2h30; 2h)

- Langue vivante 2 (2h; 2h)

- Éducation physique et sportive (2h; 2h) 

- Enseignement scientifique (2h; 2h)

Des enseignements optionnels, facultatifs, sont théoriquement prévus (mathématiques, LV3, langues anciennes, plus de sport, arts, équitation, agronomie), mais on peut parier sans risque que peu seront réellement offerts.

Remarquons immédiatement l'officielle disparition des filières nommées S, ES, L.

Quatre problèmes se dégagent en premier lieu.

Les deux premiers sont théoriques :

- La capacité des jeunes élèves à effectuer des choix qui s'avèreront déterminants deux années plus tard. Comme illustration, proposer aux lycéens la possibilité de suivre un enseignement de physique (et même d'économie) sans suivre un enseignement de mathématiques est pour le moins osé. N'oublions pas que l'élève de terminale ne devra choisir que deux enseignements de spécialité. Le fondement même de la réforme fait croire qu'on peut étudier la physique ou l'économie sans connaissance mathématique. C'est juste un mensonge que, soyons-en certains, les plus avertis et les plus habiles sauront débusquer.

- L'affaiblissement, de fait, des mathématiques, devenues une matière facultative. On entend bien qu'il s'agit d'une volonté qui s'est déjà traduite par le faible niveau des connaissances mathématiques exigées au concours de professeur des écoles. Je ne m'étendrai pas aujourd'hui sur cet important sujet.

Les deux autres sont pratiques :

- Il n'existe toujours pas de matière informatique, avec un programme et surtout un concours de recrutement des professeurs d'informatique. Ce point est le parent pauvre de l'éducation nationale, qui persiste à faire l'économie de cette discipline qu'elle assimile informellement à la bureautique. Il est bon de savoir que, dans les faits, ce qu'on pourrait actuellement nommer informatique et qui apparaît essentiellement dans les programmes de mathématiques est tout simplement évincé par la plupart des enseignants, y compris dans les séries scientifiques.

- Rares seront les lycées qui proposeront les douze spécialités. Le Ministre et ses porte-parole annoncent déjà un plan de mobilité, la suggestion de l'éloignement des adolescents vers des internats, et même de suivre des cours dans plusieurs établissements (s'ils ont la chance d'habiter en grande ville, et encore). Ils n'évoquent pas les effets pervers tels le temps passé dans les transports (et les risques, et les coûts divers, y compris s'ils sont assumés par la collectivité, comme, et oui, la pollution) ou les déséquilibres affectifs.

Il est déjà officialisé que la liberté de choix ne sera pas effective parmi les matières offertes à chaque lycéen, même s'il s'éloigne, puisqu'on demandera en fin de seconde à chacun d'entre eux de lister cinq spécialités parmi lesquelles le chef d'établissement choisira les trois qu'ils suivra en première.

Les notes interviendront dans la décision.

Ces notes auront été le résultat d'évaluation dans les classes de seconde. Elles sont cruciales.

La réforme du lycée s'inscrit dans une logique qui consiste à accorder de plus en plus de valeurs aux notes dites de contrôle continu par rapport aux notes d'examen, notamment au baccalauréat. Données par les professeurs simultanément formateurs et évaluateurs des mêmes élèves, elles sont présentées comme un acte incontestable, et de fait peu contesté, de justice. Deuxième mâchoire du piège.

Parce que tout autant injuste que la liberté affichée est entravante, je pense que c'est une très mauvaise tendance.

Mon idée est que les notes doivent effectivement être justes, mais que cette exigence ne peut passer que par la correction par des évaluateurs anonymes de copies anonymes.

Alors, je propose à mon tour une réforme, et une réforme fondamentale : séparer l'évaluation de la formation. Cette réforme s'étend de la sixième à la terminale. Elle vise à la justice pour l'élève et à la protection de l'enseignant.

Proposition

Dans chaque matière, le programme est décomposé en chapitres. Un calendrier national est fixé, à chaque chapitre sa période, avec un manuel de l'élève unique crée par des enseignants et des inspecteurs (le prof reste évidemment libre d'utiliser les documents qu'il souhaite, y compris en classe). Un volant d'enseignants de réserve suffit à assurer les remplacements au pied levé et dans de bonnes conditions. Il est essentiel qu'ils soient bien traités, utilisés et utilisés dans leur fonction. Aux responsables qui disent qu'il n'est pas possible d'assurer des remplacements, je dis : le problème n'est pas difficile à résoudre, laissez votre place. Les enseignements ont lieu les lundis, mardis, jeudis et vendredis. Les mercredis matins ont lieu les évaluations. Élabores par un collège d'enseignants en poste annuellement sur cette mission (et celle de correction), orchestrés par les inspecteurs, des sujets nationaux secrets arrivent le mercredi matin dans les établissements. Le programme des épreuves est cumulatif. Dans les salles, les élèves composent à distance les uns des autres, et suffisamment surveillés (et oui...). Anonymisées, les copies repartent à midi vers un centre qui les redistribue pour correction à un ensemble d'enseignants, ou bien en poste annuellement sur cette mission, ou bien parmi les remplaçants sans remplacement. Le barème est fixé strictement par les auteurs des sujets. Les copies sont ensuite renvoyées pour être rendues aux élèves par leurs enseignants. La scannérisation est largement exploitée. Pour ce qui est de l'organisation, on emploie évidemment les bonnes personnes aux bons endroits, aux conditions adéquates. Il n'y a pas d'autres évaluations (comptabilisées) que ces évaluations anonymes sur des sujets communs.

De plus, les matières évaluées sont, chaque mercredi, pour partie secrète. Exemple pour un mercredi, trois sujets de 1h10, l'un sera l'anglais (annoncé), un autre le français (annoncé), le troisième les maths (secret).

Le volume horaire global de présence de l'élève est inchangé.

Parallèlement, ce n'est pas anecdotique loin de là, placer très haut un double objectif oublié : la sacralisation du cours et le droit au silence en classe pour les élèves. Le premier point consiste à ne supprimer ou à ne remplacer un cours en aucun cas autre que de force majeure, à ne rien faire d'autre que de l'enseignement en cours. Le deuxième doit se planifier collectivement, en faisant clairement et fermement passer le message à l'élève qui ne respecte pas le droit au silence des autres élèves qu'il commet une faute grave.

Bien entendu, la réalité des notes ainsi obtenues sera implacable. Elles délivreront une vérité. Une vérité certainement incomplète, mais une vérité. C'est un droit dû à chaque citoyen, y compris aux scolaires. Il n'est en aucun cas contraire au droit à la dignité, laquelle est, c'est une autre réalité, particulièrement malmenée dans l'évolution de notre société. D'où l'intérêt, disent nos gouvernants dans leur rhétorique d'appel à la légitimité incontestable, de poursuivre toujours dans la même direction. Politique de plus de même.

Mon avis est que ces politiques vont encore augmenter les pertes de dignité d'individus.

Ma réponse est de proposer d'autres réformes. Parce que la dignité est une valeur fondamentale.

Question d'honneur.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Le Ministre de l'éducation nationale a récemment annoncé la création d'un CAPES d'informatique pour 2020. Affaire à suivre...
Répondre
E
... En vue de postuler au poste de Ministre de l'Education Nationale ? :) !
Répondre
S
Tu crois vraiment qu'on y placerait un roturier ?